L'océan
"Ta
grandeur morale, image de l'infini, est immense comme la réflexion du
philosophe, comme l'amour de la femme, comme la beauté de l'oiseau,
comme les méditations du poète. Tu es plus beau que la nuit.
Réponds-moi, océan, veux-tu être mon frère ? remue-toi avec impétuosité
..plus
plus encore, si tu veux que je te compare à la vengeance de Dieu
; allonges tes griffes livides, en te frayant un chemin sur ton propre
sein
c'est bien. Déroules tes vagues épouvantables océan hideux,
compris par moi seul, et devant lequel je tombe prosterné à tes genoux.
La majesté de l'homme est empruntée ; il ne m'imposera point ; toi,
oui. Oh ! quand tu t'avances, la crête haute et terrible, entoure de
tes replis tortueux comme d'une cours, magnétiseur et farouche, roulant
tes ondes les unes sur les autres, avec la conscience de ce que tu es,
pendant que tu pousses, des profondeurs de ta poitrine, comme accablé
d'un remords intense que je ne puis pas découvrir, ce sourd mugissement
perpétuel que les hommes redoutent tant, même quand ils te contemplent,
en sûreté, tremblants sur le rivage, alors je vois ne
m'appartiens pas, le droit insigne de me dire ton égal .C'est pourquoi,
en présence de ta supériorité, je te donnerai tout mon amour."
Les chants de Maldoror-partie du Chant premier par Isidor Ducasse, Comte de Lautréamont