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Le perroquet bleu - Rêve ta vie
7 décembre 2009

Je voudrai pas crever

BorisViancadre
Je voudrais pas crever avant d'avoir connu les chiens noirs du Mexique qui dorment sans rêver, les singes à cul nu dévoreurs de tropiques, les araignées d'argent au nid truffé de bulles.

Je voudrais pas crever sans savoir si la lune sous son faux air de thune a un coté pointu, si le soleil est froid, si les quatre saisons ne sont vraiment que quatre, sans avoir essayé de porter une robe sur les grands boulevards, sans avoir regardé dans un regard d'égout, sans avoir mis mon zob dans des coins'tots bizarres.

Je voudrais pas finir sans connaître la lèpre ou les sept maladies qu'on attrape là-bas, le bon ni le mauvais ne me feraient de peine, si si si je savais que j'en aurai l'étrenne et il y a z aussi tout ce que je connais, tout ce que j'apprécie que je sais qui me plaît, le fond vert de la mer où valsent les brins d'algues sur le sable ondulé, l'herbe grillée de juin, la terre qui craquelle, l'odeur des conifères et les baisers de celle que ceci que cela, la belle que voilà, mon ourson, l'Ursula.

Je voudrais pas crever avant d'avoir usé sa bouche avec ma bouche, son corps avec mes mains le reste avec mes yeux, j'en dis pas plus faut bien rester révérencieux.

Je voudrais pas finir sans qu'on ait inventé les roses éternelles, la journée de deux heures, la mer à la montagne, la montagne à la mer, la fin de la douleur, les journaux en couleur, tous les enfants contents et tant de trucs encore qui dorment dans les crânes, des géniaux ingénieurs, des jardiniers joviaux, des soucieux socialistes, des urbains urbanistes et des pensifs penseurs y a tant de choses à voir a  voir et à z-entendre, tant de temps à attendre à chercher dans le noir et moi je vois la fin qui grouille et qui s'amène avec sa gueule moche et qui m'ouvre ses bras de grenouille bancroche.

Je voudrais pas crever non monsieur non madame avant d'avoir tâté le goût qui me tourmente, le goût qu'est le plus fort.

Je voudrais pas crever avant d'avoir goûté la saveur de la mort...

(Dans la colonne de droite un montage vidéo avec l'excellente interprétation de ce poème de Boris Vian par les Têtes raides).

Une fois poussée par le temps hors de la colonne de droite avec un peu de chance la vidéo peut encore se trouver ici : essayez

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