Poème : Chants de Maldoror
Chants de Maldoror - Chant 1- Strophe 8
Au
clair de la lune, près de la mer, dans les endroits isolés des
campagnes, l'on voit, plongé dans d'amères réflexions, toutes les
choses revêtir des formes jaunes, indécises, fantastiques. L'ombre des
arbres, tantôt vite, tantôt lentement, court, vient, revient, par
diverses formes, en s'aplatissant, en se collant contre la terre. Dans
le temps, lorsque j'étais emporté sur les ailes de la jeunesse, cela me
faisait rêver, me paraissait étrange ; maintenant, j'y suis habitué. Le
vent gémit à travers les feuilles ses notes langoureuses, et le hibou
chante sa grave complainte, qui fait dresser les cheveux à ceux qui
l'entendent. Alors, les chiens, rendus furieux, brisent leurs chaînes,
s'échappent des fermes lointaines ; ils courent dans la campagne, ça et
là, en proie à la folie. Tout à coup, ils s'arrêtent, regardent de tous
les côtés avec une inquiétude farouche, l'il en feu ; et, de même que
les éléphants, avant de mourir, jettent dans le désert un dernier
regard au ciel, élevant désespérément leur trompe, laissant leurs
oreilles inertes, de même les chiens laissent leurs oreilles inertes,
élèvent la tête, gonflent le cou terrible, et se mettent à aboyer, tour
à tour, soit comme un enfant qui crie de faim, soit comme un chat
blessé au ventre au-dessus d'un toit, soit comme une femme qui va
enfanter, soit comme un moribond atteint de la peste à l'hôpital, soit
comme une jeune fille qui chante un air sublime, .........
Isidore Ducasse 'comte de Lautréamont" (1846-1870)
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